La rando que j'ai faite dans le désert sud-marocain s'est conclue par 2 jours de nettoyage. Les personnes intéressées du groupe de touristes, une bonne partie des guides de l'agence au Maroc , les équipes de chameliers, et des cuisiniers, soit une bonne trentaine de personnes, ont pris part à ces 2 jours très chaleureux et conviviaux.
Ce type d'opération avait déjà été réalisé sur le mont Toubkal (sommet du Maroc) il y a quelques années. Le tourisme randonnée est en effet de plus en plus important dans ces régions de l'Atlas, Anti-Atlas et du désert. Les campements et bivouacs se multiplient et par conséquent l'environnement est impacté.
Les motivations de l'agence de voyage pour organiser cette opération sont donc de 3 ordres selon moi :
- préserver la propreté de ces régions afin de pérenniser l'accueil des touristes et l'activité économique liée.
- communiquer autour du développement durable afin de montrer que l'agence est exemplaire par rapport à ses concurrents (marketing)
- préserver l'environnement
Chacune de ces motivations est importante, y compris la troisième pour laquelle j'ai ressenti de la sincérité dans les mots et l'attitude de l'organisateur marocain.
L'agence veut aussi sensibiliser son personnel et ses prestataires (guides, chameliers et cuisiniers) à travers leur participation afin qu'ils soient respectueux durant les randonnées.
Concrètement (photos), nous avons marché aux endroits où se font les campements. Nous ramassions toutes les ordures trouvées . Les papiers et plastiques étaient brûlés sur place (c'est la moins mauvaise solution) et le reste rassemblé pour être ensuite ramené à Marrakech et Ouarzazate où les ordures ménagères sont prises en charge et où des ferrailleurs reprennent les métaux.
Ce que nous ramassions avant tout sont les poches en plastique noir hyper répandues. Ce plastique est préféré au blanc, plus fin et plus rapidement dégradable, car meilleur marché. Les sacs plastiques ne sont arrivés au Maroc qu'il y a 20 ans. Avant les sachets papiers posaient peu de problème car ils se biodégradent vite mais le progrès est passé par là.... Maintenant, les sorties de villes telle Tanger sont des étendues impressionnantes de poches plastiques.
J'ai moins apprécié le ramassage à proximité des villages, cela ressemble à de l'ingérence et à une moralisation par l'Occident... Si effectivement l'abord des villages est souillé de sacs poubelles (il n'y a pas de filière ordures ménagères et les populations n'y peuvent rien), l'impact sur l'environnement des populations est tellement faible par rapport au nôtre que nous n'avons aucune leçon à leur donner. Le simple voyage (en avion et dans une moindre mesure en train) est énorme par rapport au mode de vie de ces populations.
En revanche, les pollueurs du désert sont des touristes, directement ou indirectement (les accompagnateurs locaux). Il n'y a pas de tolérance à avoir envers eux. Les Européens en quête de soleil mais aussi de riches Saoudiens venant chasser la palombe les constituent.
J'ai bien entendu été particulièrement attentif à l'écologie lors de mon voyage. La prise de conscience semble moins évidente que chez nous. J'ai entendu une personne m'expliquer que le réchauffement climatique n'était pas si grave que ça puisque provoqué en grande partie par les vaches (ce discours existe aussi France...). Il est vrai que l'éducation, la santé, l'alimentation en eau semblent des priorités. Toutefois, les problèmes environnementaux sont à la source de problèmes sociaux mais restent considérés comme des soucis parallèles aux autres, un problème parmi d'autres....
Pourtant, les difficultés d'alimentation en eau récurrentes en sont la conséquence la plus flagrante. J'ai pu constater que la palmeraie de la vallée du Drâa était en train de mourir par manque d'eau. D'une part le barrage de Ouarzazate retient trop d'eau (entre autre pour alimenter les nombreux hôtels luxueux situés près de cette ville) mais il y a aussi l'avancée du désert, galopante et très nette depuis 10 ans selon notre guide. Entre Ouled Driss et M'Hammid (donc aux portes du désert) de somptueux hôtels très luxueux avec piscine, spa et "direction européenne" narguent la population. Ils pompent dans la nappe et traitent l'eau tandis que le puits du village ne peut plus être utilisé car le niveau de l'eau baisse et la qualité de celle-ci se dégrade.
Si le tourisme apporte des emplois, il impacte gravement l'environnement et au final il détruit la ressource et la vie locale. Le conflit d'usage tourne rarement au profit des populations locales.
Je crois qu'il serait faux de croire que les pays pauvres sont pollués parce que sales en apparence ou parce que les grandes villes sont pleines de vieilles voitures... L'agriculture y est bio (il n'y a souvent pas de tracteur...), les déplacements peu importants (les Marocains ne viennent pas en masse faire du tourisme chez nous, de toute façon les frontières sont ouvertes à sens unique...), il n'y a pas de surconsommation . Les vrais pollueurs sont bien nous, pays riches, avec nos villes propres, nos pistes cyclables, nos tramways.... et nos hypermarchés, nos voyages en avion et hôtels de luxe !!
Lors de nos voyages, il est important de réfléchir à l'impact engendré. Moins visiter les pays pauvres et lointains n'est pas forcément les priver de "développement". D'une part la fin de l'énergie bon marché rendra les voyages moins faciles et plus rares et puis aider ces pays peut se faire de d'autres manières, sans les rendre dépendants de nous.
Une partie de ces populations espère elle aussi pouvoir parcourir le monde en avion en quête de sensations et "d'ouverture aux autres", d'autant plus en nous voyant nous amuser chez eux. Ce sera certainement insoutenable pour la planète et tout simplement impossible (plus de pétrole bon marché). Alors le développement que l'on doit encourager pour les pays pauvres, est-il un développement à l'occidental basé sur le gâchis, donc non durable et non soutenable ou bien est-ce un développement orienté vers la satisfaction des besoins tels la nourriture, la santé, l'éducation, un développement axé sur la culture, la coopération, le lien entre les gens ? Les relations nord-sud doivent assurément veiller à faire ce discernement et à mettre en garde les pays pauvres contre nos erreurs.
Me revient la réflexion d'une personne rencontrée dans le train Marrakech - Fès. L'Occident s'en sort mieux dans la guerre économique mondiale, la mondialisation libérale, car c'est une société fondée sur l'individualisme, donc apte à la compétition. L'Afrique, quant à elle, a des valeurs basées sur le groupe, la famille, l'entraide et l'interdépendance des gens.