Le film avec Al Gore, "
Une vérité qui dérange" était une démonstration, presque scolaire, efficace du changement climatique. Convaincu et sensible à l'écologique, je n'y ai rien appris de bien nouveau, juste quelques précisions. Un documentaire d'un autre genre est sorti à la mi-mars "
Notre pain quotidien". Ne bénéficiant pas de la notoriété de "
l'ex-futur président des Etats-Unis", il n'est projeté que dans les salles art et essai.
Ce film est d'un violence inouïe par la dureté de ses images, même pour l'écologiste déjà bien renseigné. La cible ?
l'agriculture intensive et industrielle.
Inutile d'être militant de longue date pour savoir que ce type d'agriculture n'est pas respectueux de l'environnement. Ce qui est montré, la réalité, dépasse toutefois bien souvent l'imagination. De simples scènes ordinaires de travaux agricoles tels le tri de poussins, l'élevage de poulets ou de poules pondeuses, la culture de la tomate, du tournesol, la récolte du poivrons, de la tomate, des olives, des asperges, des chous, l'abatage des porcs et des vaches et j'en passe. Ces morceaux choisis ont été glanés à travers différents pays d'Europe ainsi qu'en Afrique du Nord.
Difficile de dire où exactement car le film est brut et sans commentaire. De longs plans séquences au cadrage millimétré qui laissent très mal à l'aise car à l'esthétique des images s'oppose ces scènes crues de l'agriculture industrielle. Le réalisateur s'attarde tant sur les végétaux, animaux exploités que sur les
femmes et les hommes qui les... je ne trouve pas le mot.... torturent tout en étant eux-mêmes torturés. Tout est
déshumanisé, les visages de ces personnels qui travaillent souvent à la chaine dans des cadences infernales, tout est industrialisé, hygiénisé, optimisé, calculé, rationalisé. Il est précisé dans le générique de fin que les images ont été tournées avec
l'accord amical des entreprises et de leurs personnels. Quel travail de persuasion il doit y avoir derrière !
Cette brutalité des images sans aucune explication ni information nous laisse très interrogatifs.
Il n'y a pas un message explicite disant "cela est mal" et se voulant moralisateur. A nous de nous demander pourquoi on est arrivé à de telles pratiques qui n'ont plus rien à voir avec l'agriculture paysanne respectueuse de la nature et de l'Homme, dans quel but et surtout quelle est leur viabilité à moyen ou long terme ? Tout cela est-il vraiment raisonnable ?
Pour ma part j'ai beaucoup réfléchi aux alternatives possibles : manger moins de viande, bio, local,en provenance de petites structures et par des circuits directs. Elles sont déjà connues mais restent malheureusement marginales.
L'image que j'ai choisie pour illustrer cet article illustre bien la valeur la plus répandue, celle du
prix à l'étalage pour les consommateurs et celle du prix de revient pour les agro-businessmen, au mépris de toute considération humaine et environnementale.
La grande distribution et plus spécifiquement le hard-discount sont symptomatiques de cette économie sans éthique. Voilà une cible que j'ai identifiée à travers ce film et que je combats depuis déjà quelque temps par le boycott. Mes moyens financiers (technicien dans la fonction publique) me permettent de faire tous mes achats alimentaires en bio. Cela nécessite de faire des choix que 70% des clients de hard-discount*ont préféré en faveur exclusive du prix au détriment de l'éthique. Toutefois, une bonne partie de la population ne peut pas se le permettre et une politique forte en faveur du bio avec aides publiques,
internalisation des coûts devrait rendre cette agriculture abordable, majoritaire et une référence. Il n'y a donc
pas de fatalité à bouffer industriel et chimique et à détruire nos emplois et notre environnement.
Pour coller à l'actualité, deux décisions importantes en matière d'agriculture, l'une mauvaise l'autre bonne :
- la France a transposé la directive européenne sur les OGM qui date de 2001. Elle autorise les cultures OGM (commerciales et expérimentales) " à l'issue d'une procédure d'évaluation rigoureuse qui a démontré l'absence de risque pour la santé et l'environnement".
Une seule plante OGM est autorisée à des fins commerciales, le maïs "mon 810". Toutes les cultures seront répertoriées. Seules leurs surfaces et le nombre de parcelles seront rendus publics sur le site www.ogm.gouv.fr . Enfin, "les agriculteurs qui cultiveront en 2007 des maïs OGM s'engageront à en informer les cultivateurs des parcelles voisines et à respecter une distance d'isolement entre cultures OGM et non OGM de 50 mètres, soit le double de la pratique actuelle". Nous voilà rassurés, chacun a donc son interprétation du fameux principe de précaution... Vous trouverez ici l'appel demandant un moratoire pour un printemps sans OGM
- pour finir, une bonne nouvelle, le parlement européen a adopté la proposition "production biologique et étiquetage des produits biologiques ".Ce texte, rapporté par Marie-Hélène Aubert (les Verts) et qui va à l'encontre de la volonté de la commission, prévoit après amendement l'interdiction formelle des intrants chimiques et des OGM en bio, alimentation du bétail comprise. Reste à persuader le Conseil des ministres de le voter sachant que le parlement n'a qu'un rôle consultatif. L'Italie, l'Autriche et la Belgique sont les fers de lance de la défense de la bio. Nos chers euro-parlementaires UMP, dont leur chef Sarkozy parle d'un "Grenelle de l'environnement" s'il est élu, ont voté contre...
* « Comment les hypers gagnent », Les dossiers du Canard enchaîné, n°97, octobre 2005 - les classes modestes ne représentent que 30% des clients des hard-discounts.
Photos : Leader Price - KMBO films
J'ai retouché le texte sur la partie agriculture bio pour clarifier mon point de vue, je ne pense pas en effet que tout le monde puisse manger bio, loin de là car les produits restent chers.