La toute première République des Blogs avait lieu samedi à Toulouse sur le thème des transports. A l'approche des élections municipales, quelques candidats déclarés ont fait leur cinéma au Buena Vista. Le café était plein de blogueurs, lecteurs et autres sympathisants, partisans ainsi que quelques curieux.
Dans une ambiance plutôt sérieuse et relativement calme (je suis toujours exaspéré par les portables qui sonnent à tout-va...), les candidats se sont exprimés les uns après les autres sur le sujet des transports, tant au sein de l'agglo que sur un plan plus large. Merci à Damien le modérateur qui a su faire respecter l'égalité des temps de parole et la sérénité des débats. Cette première République des Blogs a tenu toutes ses promesses. Voici donc un compte rendu chronologique assorti de mes commentaires.
Transports dans l'agglo
Jean-Luc Forget (MoDem) :
Il considère la problématique des transports comme une urgence car "la ville est au bord de l'asphyxie". Cette "situation grave" mérite la mise en place d'états généraux des transports et de la mobilité.
L'origine du problème réside selon lui dans le processus décisionnel et le type de gestion de Toulouse. "Gérer une ville c'est écouter les gens, ne pas imposer" explique-t-il. Il accuse également "les différents acteurs de se diviser, se neutraliser et finalement se paralyser".
Pour le centre-ville, il préconise d'agir sur l'accès et particulièrement entre le centre et l'agglo. Pour cela il faut rassembler tous les partenaires. Il suggère également de "reconsidérer le centre-ville car il apparaît incohérent". Il illustre cela par le cas de la rue Alsace-Lorraine qui "est une caricature". L'aménagement n'a en effet pas été discuté, "on est dans l'essai par manque d'écoute" précise-t-il.
Le second exemple est "le vélib qui est considéré comme un loisir et non comme un mode de déplacement". Le problème a été pris à l'envers car "il aurait fallu commencer par un réseau cyclable et lui donner une cohérence".
Concernant le métro, il trouve cela "génial" et il a d'ailleurs à l'époque accompagné le choix du métro plutôt que le tram.
JL Forget continue en dénonçant des projets tels le tram vers Beauzelle qui ne dessert pas l'aéroport ou bien l'absence de tram ou de bus en sites propres prévus pour desservir le Cancéropole (on construit puis on essaie de réaliser les TC par la suite).
Il propose enfin de relier la couronne et ses quartiers entre eux mais après discussion dans "une vraie politique des transports".
Je suis plutôt d'accord sur le constat, à Toulouse les décisions arrivent d'en haut sans concertation, sans véritables comités de quartier qui soient écoutés. M. Forget a un bilan alarmiste assez démago car il reste cantonné à des critiques et ne propose rien de précis. Il justifie cette absence de "catalogue de mesures" par le fait qu'il ne faut pas imposer d'idées préétablies mais plutôt discuter. Il me semble toutefois qu'un candidat doit proposer un vrai projet aux électeurs...
Jean-Michel Lattes (représentant Jean-Luc Moudenc, absent, UMP ) :
Pour lui, le bilan n'est pas si catastrophique que ce que l'on dit. La preuve, on est passé de 90 millions de déplacements en TC en 2005 à 125 millions en 2008. Toulouse est très bien placée par rapport à des villes comme Bordeaux ou Montpellier.
Notre ville est inapte à des TC en extérieur comme Strasbourg au niveau de sa configuration. Cela explique le choix du métro qui est "l'architecture d'un réseau de TC". Toutefois le tram n'est pas exclu et la ligne de Blagnac est un début. Suivra une ligne qui passera par la gare Matabiau.
Au sujet de la ligne E, il justifie l'absence de desserte de l'aéroport car seulement 20% des voyages vers cette infrastructure sont concernés par le TC et qu'il y a un bassin de logements à desservir en priorité. Cette ligne peut également évoluer dans le futur après les Arènes (Cancéropôle notamment).
Les axes de travail s'orientent vers plus de relations avec les entreprises, la multimodularité du ticket entre les moyens de transport et la multimodalité métro - tram - vélo.
Pour la politique vélo, il y a un plan de discontinuité cyclable en lien avec l'assoc. Vélo. Pour lui la situation est bonne et beaucoup a déjà été fait (il est venu en vélo depuis Héracles sans souci).
La logique est celle du développement durable qui a débuté avec Baudis qui, en construisant le métro, a sorti les bus polluants du centre ville [vous avez bien lu, les bus !!!]. Bref, "l'orientation est le développement de l'existant".
J'ai trouvé cela un peu juste. Il n'allait pas casser son bilan mais il n'y a rien de bien ambitieux. Tout va (presque) bien.
François Simon et Aurélia Svanströhem (L'autre Liste) :
M. Simon précise qu'il était précurseur du tram circulaire mais n'avait pas été écouté et que maintenant on y vient, de même pour la piétonisation.
Il se place dans le double principe d'une "exigence écologique et sociale". Le contexte est que "dans 20 ans le transport individuel en voiture ne pourra plus être possible". Ses pistes d'action sont les suivantes :
- améliorer l'offre par des liaisons bus inter-quartiers en site propre et des lignes supplémentaires qui ont été supprimées par le métro
- liaisons banlieue à banlieue
- horaires assouplis : en nocturne et pour que les salariés en horaires décalés puissent aller travailler avec une densification en zone d'activité
- tram circulaire + ligne E prolongée de l'autre côté de la ville
- construction d'un contournement ferroviaire pour que les trains chargés de matières dangereuses ne traversent plus ni Matabiau ni le centre-ville.
- développer le covoiturage
- intermodalité entre le vélo et les TC et une offre vélo élargie
Les grands principes à venir sont la gratuité totale des TC "indispensable pour inciter à abandonner la voiture". Cela coûterait 35 millions d'euros (50 selon M. Lattes, c'est finalement ce chiffre que retient Simon) soit 2 à 3 pleins par an pour chaque foyer fiscal ! L'autre grand objectif est la piétonisation du centre-ville. Actuellement les conflits piétons-cyclistes sont dûs au fait que la voiture monopolise trop de place. Aussi, les parkings du centre-ville seront réservés aux riverains et travailleurs mais pas aux "consommateurs ou aux touristes".
Il se positionne contre des projets telle la LMSE et souhaite travailler en étroite collaboration avec le collectif PDU. Le financement pourra être réalisé par l'argent économisé par l'abandon du projet de grand contournement autoroutier (GCA).
La croissance de 19000 hab/an n'est pas raisonnable, il faut répartir la population et les activités dans toutes les villes de la région.
Je suis complètement dans l'esprit de cette vision des choses. Ambitieuse, mêlant écologie et social elle me semble pécher toutefois sur la gratuité. Je ne suis pas un fervent défenseur de la gratuité totale qui pour moi n'est pas la clé du problème et peut même s'avérer socialement injuste.
Pierre Cohen (PS) :
Il est arrivé un peu en retard et commence par souligner l'important...retard de Toulouse en matière de transport. Il est temps de rentrer dans "une démarche d'agglomération" dit-il. Il n'y a "aucune réflexion sur un vrai TC", cela est dû à un problème de gouvernance. Il y a urgence à mettre en place un vrai PDU.
Il pense à un plan d'urgence, en particulier pour le maillage du bus autour du métro avec des lignes en sites propres qui accueilleraient bus ou tramways. Il faut des lignes radiales et transversales comme Tournefeuille - l'Union ainsi qu'une circulaire Garonne - Canal.
Ce maillage ferait vivre les quartiers et participerait au "vivre ensemble". Il faut reproduire dans les quartiers ce qui se passe au centre (ex : navette). Il faut un changement radical "si l'on considère que la voiture n'est plus prioritaire".
Concernant VélôToulouse, c'est surtout de la com' tel qu'il est réalisé et pas inscrit dans une vraie politique vélo.
Cohen montre du doigt la stratégie de la mairie sortante qui s'est coupée des partenariats de financement comme le Conseil Général. Il faut donc élargir les partenariats et réfléchir plus largement dans le cadre d'une Communauté Urbaine. La culture en matière de transport doit évoluer et cela se fera avec tous les acteurs qu'il faut mobiliser.
Toulouse est une ville chère sur le plan des transports. Il propose un ticket civique au tarif réduit et de s'orienter vers la gratuité en parallèle de l'augmentation de l'offre. Cela a pour but de mettre en concurrence les TC et la voiture.
Enfin, il souhaite accompagner les entreprises pour que leurs PDE (plan de déplacement) soient cohérents.
L'urbanisation doit se faire autour des transports et non l'inverse.
J'adhère également à tout ce qui est dit. On sent une réelle volonté de changer la situation.
Par la suite chacun s'est exprimé sur quelques questions et thèmes :
- Coût et financement
Simon : 1 km de rocade coûte 14 millions d'euros. Ne pas construire le GCA et réinjecter l'économie réalisée dans les TC.
Lattes : le GCA sera en concession donc pas d'argent public fait-il remarquer. La gratuité des TC serait un frein à l'intensification des TC, il y a déjà 40% de gratuité.
Cohen : partenariats avec Conseil Général et la Région pour de nouveaux financements.
Forget : faire appel à l'emprunt et à la dette si nécessaire. Il n'est pas un dogmatique de la dette 0. Envisage le recours à des partenariats divers. Il estime que la gratuité totale s'oppose à la justice sociale mais y est favorable pour les jeunes et les petits revenus.
- TC sur les voies d'eau
Simon : Projet Nautilus, tout à fait favorable.
Lattes : 4 km/h ça ne rime à rien, défavorable. Le Canal c'est pour le tourisme.
Cohen : envisageable sans être un enjeu mais un complément. A analyser.
Forget : il n'y croit pas, ce n'est pas un moyen à privilégier.
- Modes de gestion
Simon : Régie municipale (la gratuité des TC ne sera de toute façon pas incitative pour une multinationale)
Lattes : "évidemment" délégation pour une optimisation du service
Cohen : régie
Forget : délégation avec "un contrat bien organisé"
Je pense que les voies d'eaux sont effectivement complémentaires mais à ne pas négliger. Si le financement doit peser sur la dette ou l'impôt, ce n'est pas un problème, je rejoins Cohen et Forget et bien sûr Simon dans le sens où si l'on est décidé à mettre le paquet pour un GCA, on doit pouvoir le mettre ailleurs. Enfin, la régie directe me paraît une évidence. Tisséo a presque toujours été en régie, elle l'est aujourd'hui, et il faut continuer pour une transparence complète sur le service et dans l'intérêt général. Rémunérer les actionnaires de Véolia ne m'intéresse pas.
Transports hors agglo
Gérard Onesta (Verts) colistier de Pierre Cohen (PS) :
Toulouse est une ville livrée à la bagnole car elle est un aspirateur à voiture. Il faut donc se désintoxiquer de cette drogue. Le GCA en est la caricature et cette logique du tout voiture est "à éviter absolument". "Il reste donc l'air et le rail".
"L'air, ce n'est pas possible". Les nuisances pour les riverains sont énormes et ce mode de transport est incompatible avec l'urgence climatique. De plus le transport aérien sera inclus dans le protocole de Kyoto dès 2012. Il rappelle qu'aujourd'hui le kérosène n'est pas taxé or ce sont bien les compagnies aériennes qui doivent payer la pollution et non les collectivités.
Il existe des alternatives à l'avion comme la visioconéférence. En effet 50% des trajets vers Paris sont le fait de personnes en costume qui y passent la journée pour le travail. Ce trafic est prenable par la visioconférence mais aussi par le TGV à venir. Les liaisons ferroviaires doivent également être équilibrées dans la région.
Il est contre un second aéroport pour ces raisons mais également par le fait que le fret aérien peut être réparti vers les autres aéroports régionaux . Il explique également à un intervenant le traitant d'"écologiste rétrograde" et souhaitant un "éco-aéroport" que l'argument vert est souvent récupéré mais que cela ne peut en aucun cas être valable pour un aéroport.
François Simon :
"Le GCA est un contre-sens écologique" et serait un véritable aspirateur à camions, surtout avec le port sec.
Il se prononce pour un contournement ferroviaire pour que le fret ne passe pas en centre-ville.
Concernant le second aéroport, il est contre pour les mêmes raisons que précédemment. "Il faut se préparer à une crise dans ce domaine" précise-t-il. Il propose de délester Blagnac vers d'autres aéroports.
Par rapport au TGV, il faut aussi regarder vers Barcelone et pas seulement vers Paris.
Simon est en phase totale sur ce plan avec Cohen avec qui il veut gagner la mairie. Cohen marque alors une légère moue, comme une réticence à l'idée de gagner avec Simon...
Jean-Luc Forget :
Il partage les points de vue de Cohen et Simon. Le GCA est un faux débat qui est en fait le débat d'il y a 30 ans. "Ca ne règle rien".
Pour l'aéroport, idem. Il explique qu'on agrandit Blagnac alors que le trafic intérieur est en diminution.
Pour ce qui est du TGV, il tarde et "nous en paieronts les conséquences". Il faut prévoir celui-ci jusqu'à Narbonne.
Jean-Michel Lattes :
Il fait le constat que la rocade est saturée. Un GCA à 10-20 km sera décongestionnant, sera une alternative en cas de blocage et aura un rôle structurant. Il est donc pour.
II précise bien qu'il est "contre l'idée du tout ou rien" et qu'une seule solution ne résoudra pas tous les problèmes.
Pour le TGV, il y est favorable, en complément d'un second aéroport. Il prend l'exemple de Nantes, ville desservie par le TGV, qui s'oriente vers un second aéroport en parallèle du TGV. Le TGV arrivera à Matabiau qu'il veut être un noyau multimodal de transports.
La position pro second aéroport et pro GCA de la majorité sortant est rédhibitoire pour moi. Les 3 autres tiennent un discours similaire même si Onesta a été le plus percutant et le plus persuasif.
La note finale de la réunion revient à Gold31, blogueur semble-t-il très à droite qui a tenté de relever le débat en offrant à Cohen une image représentant un train surmonté du drapeau de l'URSS. Il semble traumatisé par la présence de communistes sur la liste du socialiste. Ridicule et misérable.
Finalement, je note l'absence de la liste de Myriam Martin (anti-libéraux, Motivé-e-s et LCR) mais aussi de Jean-Luc Moudenc qui a préféré se faire représenter. Soit le sujet ne leur semble pas assez important ou bien ont-ils pris à la légère cette rencontre. Quoiqu'il en soit, l'équipe sortante ne m'a pas convaincu car je suis en désaccord sur de nombreux points et ma vision des transports diffère de la leur. Concernant le candidat Modem, si ses réflexions sont intéressantes, il n'a pas de vrai programme et certains points me froissent (a défendu le métro plutôt que le tram, mode de gestion). Restent Simon et Cohen. Ils étaient accompagnés de personnes compétentes. Ils m'ont paru les plus convaincants et à l'évidence ont des projets plus aboutis et bien fournis et finalement une vision plutôt identique (en rapport avec le CollectifPDU). Il est à préciser que vraisemblablement Simon donnera ses voix à Cohen au second tour voire fusionnera sa liste s'il est lui-même au second tour. Si le candidat PS remporte la Mairie, il devrait y avoir un Vert (Stéphane Coppey s'il est élu à Balma) à la tête de Tisséo SMTC ce qui est un point positif très important.
La prochaine étape côté transport sera la rencontre de tous les candidats avec l'Association Vélo à l'occasion de l'AG du 9 février.
Une équipe municipale ne se juge pas uniquement sur les transports mais cela reste un des critères fondamentaux. Mon choix n'est pas encore fait !