Le mot crise est le mot incontournable du moment. C'est pourquoi je l'ai inséré dans le titre de ce post. On le voit fleurir sur les publicités. Là une discothèque qui propose de s'amuser pour oublier la crise, ici un promoteur immobilier qui évoque des prix imbattables grâce à la crise. La crise ferait donc vendre ? Un comble. En tout cas l'autre matin, France Inter relevait que la fréquentation des cinémas était excellente, sans doute un effet de la crise pour s'évader... ou alors vendredi de souligner que la vente des écrans plats s'est étonnamment maintenue après les fêtes. La raison de la radio du service public ? Avec la crise on reste chez soi, on limite ses sorties et puis une fois amortie (NDLR comment amortir une télé ?), c'est une activité quasi gratuite.
Après l'argument commercial, le prétexte. Ce n'est que mon sentiment personnel, mais un petit plan social en ces temps de crise passe bien mieux. Quant aux gels d'embauche dans des secteurs peu touchés comme l'exploitation de services d'eau et d'assainissement... je suis sceptique (sans mauvais jeu de mot...).
Et puis la crise qu'est-ce que ça veut dire ?. Si c'est, comme je l'ai entendu à la radio également, cette mère et sa fille qui vivent avec 2000 €/mois et sont obligées de faire des crédits à la consommation ou travailler le dimanche, il y a une grosse erreur. Cela s'appelle les victimes de la société de consommation. Ce ne sont pas ces gens qui sont touchés, pas ceux de la 1° ou de la 2° tranche des impôts, non plus. Ce sont les vraiment pauvres, ceux qui vont aux Restos du Coeur. Les repas servis explosent depuis 2 ans, des mères sans emploi, des retraités, des travailleurs précaires, des "SDF". Ce sont eux les vraies victimes de la crise et pourtant on préfère évoquer les "classes moyennes" dont le pouvoir d'achat n'a pas tellement baissé. Le fossé se creuse inéluctablement entre riches et pauvres, tant au niveau de l'emploi que des services publics, fossé qui pourrait devenir abîme avec les problèmes énergétiques et écologiques qui pointent le bout de leur nez. C'est cet écart le problème.
Comme s'égosillent à le dire les écologistes, certains rares politiques et certains très rares économistes, notre modèle capitaliste fondé sur la croissance est dans une impasse. A la fois sur un plan écologique, on ne pourra pas aller au delà de ce que la terre et le soleil nous offrent, mais aussi sur un plan social. Cette idée que demain sera meilleur et que les dettes d'aujourd'hui seront les profits de demain est une idée que beaucoup prennent pour une loi universelle et perpétuelle. Thierry Fayret élu à Brest, a commis une chronique très claire et instructive sur Le Monde et il précise "nos modèles économiques revendiquent une justice sociale fondée sur l'idée que la croissance des uns, aussi démesurée soit-elle, finie par profiter aux autres."
Ce modèle productiviste, basé sur le toujours plus, est agonisant. Il faut penser après, "il faut décoloniser notre imaginaire" comme dirait Latouche. Même la "croissance verte" doit être prise avec des pincettes. Soyons clairs, la génération pub - hypermarché - bagnole doit regarder son "bonheur" derrière elle, elle est dans une impasse c'est certain, mais il s'agit de ne pas oublier ce qui fonde une société : la solidarité, le redistribution et la justice sociale . Hervé Kempf (dont il me tarde de lire le nouveau livre, bientôt mon anniversaire ;-)) s'en émeut lui aussi dans Le Monde à travers un excellent papier .
Cette réflexion doit être tellement évidente pour un dirigeant élu en 2007 par 18 983 138 Français. Et il a dû y penser puisqu'il a confié à Stiglitz une commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social mais dont les travaux sont particulièrement peu médiatisés. Conclusions définitives au printemps, en espérant que la crise n'ait pas brouillé les cartes... alors qu'elle devrait les clarifier. Rappelons également que cette commission succédait à son antithèse, celle de Jacques Attali sur la "libération de la croissance" qui apparemment n'a pas porté ses fruits...
Pourtant, lui comme ses acolytes européens essaient de sauver les meubles sur du court terme. Produire, toujours plus pour toujours moins cher, pour relancer les sacro-saints 3% minimum d'augmentation du PIB (lire à ce sujet le papier de Jancovici, en attendant là aussi de lire son dernier bouquin...).
Le Grenelle ? Il ne fait pas le poids face à la crise et pourtant il est en pleine discussion. L'écologie est oubliée, elle qui ne devait plus être considérée comme un problème qu'on traite quand le reste est résolu.
Il n'y a qu'à lire les papiers sur les plans de relance : Allemagne où l'industrie automobile règne en maître, Angleterre ou les 80% de réduction de CO2 sont bien loin, Espagne qui se contente de favoriser l'automobile innovante. A ce propos je ne peux m'empêcher de retranscrire la réponse du président de Renault Espagne "Le gouvernement veut résoudre les problèmes avec des solutions à long terme. Or nous ne pouvons pas tout baser sur la voiture électrique. Elle ne peut être qu'une solution alternative à partir de 2011. Dans l'immédiat, il faut sauver ce qui existe en relançant la demande."
Et notre plan de relance, que vaut-il ? Du béton, des autoroutes, des réacteurs nucléaires au grand mépris des promesses écologiques... Lisez plutôt cette chronique d'Hervé Kempf sur les ouistitis...
Si seulement cette crise pouvait servir de leçon et de détonateur à la construction d'une nouvelle société mais je crains que ce ne soit pas le cas. Les croissantistes nous le disent si bien : "quand on est à vélo et qu'on s'arrête, on tombe". Tout cycliste sait bien qu'il suffit de poser pied à terre pour ne pas tomber et de changer de direction pour continuer...