Avant le débat public sur le grand contournement autoroutier de Toulouse, il y avait eu un autre grand débat, en 2003, c'était celui du barrage réservoir de Charlas.
Charlas est une commune située au sud-ouest de Toulouse et au pied de laquelle coule un tout petit cours d'eau. Elle pourrait toutefois voir se dresser un barrage digue de 50 m de haut et retenant 110 millions de m3 sur plus de 600 ha, afin de gonfler les débits de la Garonne et des rivières gasconnes en été.
Le principe est d'aller dévier une partie des eaux de la Garonne (15 m3/S en hiver et au printemps) via une galerie souterraine de 15 km. De là, l'eau est redistribuée, à peu près à débit égal (15 m3/S), entre :
- la partie gasconne au nord, nord-est par une galerie d'adduction d'une trentaine de kilomètres qui vient alimenter les rivières du Gers en se branchant sur le système Neste existant (réseau qui dévie déjà les eaux de la Garonne par la canal de le Neste et vient réalimenter les rivières gasconnes)
- la Garonne via le ruisseau Nère qui se jette dans la Louge puis dans la Garonne à Muret (amont de Toulouse). Une moitié de ces eaux rejoint le fleuve directement, l'autre est envoyée vers le canal de St Martory. Ce canal dévie l'eau de la Garonne dans la commune du même nom pour servir à l'adduction d'eau potable à l'irrigation à l'ouest de Toulouse.
Vous êtes déjà perdu ? mais non, tout est expliqué ici, c'est un dossier pédagogique pour les lycéens. Bref une retenue grande comme presque 2 fois le barrage de Cap de Long pour les Pyrénéens même s'il est 2 fois plus petit que Tignes ou 12 fois plus petit que Serre-Ponçon pour les Alpins ou encore 360 plus petit que les Trois Gorges pour les Chinois mais là on est hors concours !!! Le plus grand réservoir d'eau du sud-ouest de la France aurait pour objectif le soutien d'étiage et par voie de conséquence l'alimentation en eau potable, en eau industrielle et surtout l'irrigation agricole.
Une nouvelle étude négative
Ce projet, qui trotte dans les esprits depuis plus de 30 ans est aujourd'hui dans un état quasi-léthargique. Reposant sur le dogme de la fuite en avant et du toujours plus, ce barrage ne fait qu'encourager toujours plus de croissance du maïs irrigué, plante exotique pourtant peu adaptée à nos contrées car ayant une croissance estivale. Ce maïs sert à nourrir les canards gras et à l'élevage d'une manière générale afin de satisfaire notre orgie carnivore. Les porteurs du projet, le SMEAG et la CACG, (le Maître d'Ouvrage n'est pas définitivement connu aujourd'hui, c'est le flou politico-artistique...) sont partis du principe que ce projet était la solution et ont construit tous leurs arguments et leurs études autour de ce préalable. Le débat public a d'ailleurs conclu à la nécessité de mener une étude complémentaire "des résultats et de la faisabilité d’un plan de diminution des consommations en eau pour l’irrigation à l’échelle du bassin de la Garonne ou de toute autre étude de même nature" à la charge des porteurs de projet.
Cette étude n'a pas été réalisée, ce qui n'a pas empêché Nelly Ollin à l'été 2006, alors ministre de l'environnement, d'indiquer que l'Etat donnait son feu vert, ainsi qu'un financement à hauteur de 25%. Précisons que 50% de ce projet seraient financés par l'Agence de l'eau Adour-Garonne (dont le budget provient à 80% des usagers domestiques). Cela représenterait 165 M€ soit environ 80% des subventions qu'elle attribue sur une année !!! On peut comparer également cette subvention aux 4 M€ qu'elle consacre en 2007 à la gestion quantitative de la ressource ou aux 5 M€ que lui rapportent annuellement les redevances prélèvement payées par les agriculteurs irrigants (1/4 seulement des irrigants sont redevables...).
Depuis cette annonce de l'Etat, le calme plat est revenu jusqu'à ce que le nouveau préfet de la région Midi-Pyrénées se dise favorable à l'automne 2007 à ce projet qu'il juge nécessaire sans toutefois parler argent. Pendant ce temps-là, le Conseil Général de la Haute-Garonne (PS) recevait les résultats d'une expertise qu'il a commandée afin de palier à la fameuse étude toujours absente.
A ce stade, il convient de préciser que la Haute-Garonne (plutôt contre le projet) est membre du SMEAG. Cet établissement public, qui rassemble les régions et départements traversés par la Garonne et qui a en charge son aménagement est porteur du peojet et serait le Maître d'Ouvrage préssenti. Vous suivez ?
Bizarrement les médias sont restés muets sur cette étude et les nouveaux éléments importants qu'elle apporte en novembre. Il convient là encore d'expliquer que la Dépêche du Midi, journal local incontournable, est dirigé par la famille Baylet qui dirige également le parti des Radicaux de Gauche. Mme Baylet a été récemment (à l'époque du débat public) présidente du SMEAG. Le journal est donc une tribune pour le projet, il est donc "normal" que les éléments de cette étude n'y aient pas leur place car ils sont plutôt négatifs...
Des chiffres incohérents et aberrants
L'expertise en effet met en évidence que les données des PGE Gascogne et Garonne (Plan de gestion des Etiages qui est une série de mesures permettant de garantir un débit minimum en période d'étiage) sont aberrantes et incohérentes. Elles ont pourtant servi de base à l'élaboration du projet de réservoir. De même les risques sismiques importants dans la région n'ont pas suffisamment été pris en compte tout tel l'impact d'une vidange d'urgence dans les ruisseaux en aval. L'étude critique fortement l'argument touristique ainsi que les effets sur le Canal de St Martory ou le fait que 18% du volume du barrage soit non mobilisable. Enfin, elle réévalue à la hausse le coût du projet : 325 m€ au lieu des 256 initialement avancés, ainsi que le calcul du coût d'exploitation.
En contrepartie, des alternatives plus raisonnables sont proposées et possibles. D'une part par des économies réelles, jamais vraiment envisagées, par une optimisation des ouvrages existants (curage, étanchéification, rehausse des digues...) et enfin par la création de retenues nouvelles mais plus petites et associées à d'autres usages (hydroélectricité, lutte contre les crues, navigation...). Ceci permettrait également un partage financier entre plusieurs parties prenantes.
La conclusion est simple, le Conseil Général a délibéré à une large majorité contre ce projet. On pourra toujours soupçonner une tambouille politicienne du CG31 et de son singulier Président Pierre Izard, n'empêche, voilà qui devrait mettre un peu de plomb dans l'aile de ce gros projet. La riposte de l'Etat et du SMEAG est à attendre dans les mois à venir, à moins que le Grenelle calme ses ardeurs.
Photos : la vallée qui serait inondée - la Nère à l'aval immédiat sd'où serait la digue.