Immédiatement secouru par les équipes médicales du rallye, le garçonnet devait malheureusement décéder au cours de son transport par hélicoptère vers Labé. L’organisation du rallye exprime toute sa tristesse à sa famille"
La dépêche est tombée. Chez ASO (société organisatrice ), ils doivent avoir un modèle tout prêt. Il n'y a plus qu'à changer le nom de la victime et le lieu et hop on balance à AFP et on enchaîne sur l'étape du jour. Car ce n'est pas une première après l'hécatombe de l'an passé. Cette année on en est à un partout : un concurrent, un autochtone. Comment dit-on en période de guerre ? Victimes collatérales.
Avec un peu de compassion les organisateurs vont neutraliser l'étape de demain comme avait pu l'être la spéciale qui faisait suite au décès du pilote australien. En revanche, dimanche, le sport reprendra ses droits et la course fêtera ses héros dignement ! Après tout c'est la vie... La réaction de M. Castera, directeur sportif de l'épreuve est significative "Nous avions mis beaucoup de moyens pour la sécurité. C'est un peu la fatalité malheureusement."
Relent de colonialisme
Dans un autre registre, Luc Alphand, pilote, commente "Les gens ont du mal à imaginer la vitesse des véhicules et maintenant qu'on roule à 50 km/h dans les villages, ils se déplacent à la sortie des villages car ils trouvent plus marrant de voir les voitures accélérer". On croit halluciner, ça devient la faute des spectateurs, ils ne feraient que s'amuser au milieu d'une parade de grosses bagnoles on ne peut plus sérieuse !
On assiste à un relent de colonialisme. En effet les sportifs du Nord vont s'amuser dans le désert africain, en terrain conquis, montrer leur richesse, leur pouvoir de gaspillage, leur domination. Les Africains, eux, subissent. Il ne sont qu'une dizaine d'engagés sur les presque 400 participants. Le "Dakar" est définitivement une course de riches entre riches. Quel est l'un des principaux sponsors ? Total. Un ami de l'environnement et de la démocratie qui va porter la bonne parole sur le continent noir. A moins que quelques ressources naturelles ne l'intéressent ici ou là !
ASO aide... à la protection de l'environnement !
Je voudrais faire une petite comparaison avec le Tour du Faso cycliste qui se déroule au Burkina Faso. Cette course est co-organisée par ASO. La nuance est importante car les Burkinabés restent présents dans l'organisation. ASO semble y intervenir dans un but de développement du cyclisme africain même si son emprise grandit chaque année. Il y a une majorité de sponsors locaux, inconnus chez nous, la médiatisation est très faible ici et ASO ne doit pas y gagner beaucoup d'argent, même si son intérêt réside dans la culture de son image éthique et humaine. La participation est majoritairement africaine (c'est un Burkinabé qui a gagné cette année). Cette course semble apporter à l'économie locale. C'est une compétition sportive qui reste malgré tout africaine même s'il convient d'être prudent quant à la main-mise d'ASO. Une entreprise est en effet rarement philanthropique.
Pourtant ASO soigne son image sur le rallye aussi et donne évidemment dans l'humanitaire. Ils ont bien dû refiler quelques paires de lunettes usagées, gentiment données par de bons petits français qui ont pu ainsi soulager leur conscience vis-à vis-des pays du Sud. Plus sérieusement SOS Sahel bénéficie d'une aide d' ASO pour agir dans le domaine de ... l'environnement ! On croit rêver !
Pollueur, le Dakar l'est par essence
Une course motocycliste, automobile et de camions, voilà un bel exemple de protection de l'environnement, tant du point de vue des rejets gazeux que du respect des zones naturelles . A l'heure où la France se fixe comme objectif de réduire d'1/4 ses émissions de gaz à effet de serre, nous allons rejeter nos saloperies en Afrique, où il y a de la marge selon le protocle de Kyoto ! Pollueur, le Paris-Dakar l'est par essence...
Enfin, une autre réaction, celle de Bruno Saby, ancien vainqueur, est plus contrastée et s'avère intéressante quand il explique "Quand on en arrive là, c'est inadmissible, insupportable. Des tas de signes m'incitent à réfléchir à la suite de ma carrière, mais ce cas-là est le plus important. C'est peut-être celui qui me fera arrêter un jour. Est-ce que ça vaut la peine de faire mumuse comme ça ? On assume nos risques, mais quand ça tourne au drame, il faut réfléchir à la suite de cette discipline. Il faut peut-être remettre en cause l'épreuve. Si on n'arrive pas à assurer la sécurité, il faut réfléchir. Pour l'avenir, il faudra si possible faire les spéciales dans des pays où les villages ne sont pas traversés. En Guinée, ça me paraît difficile." S'il doit arrêter un jour c'est maintenant, pas quand la mort de ce jeune garçon ne sera qu'un vague souvenir, c'est-à-dire dès lundi. On aimerait le croire quand il parle de remise en cause de l'épreuve mais quelques mots plus loin il ne reconsidère plus que la traversée de la Guinée...
Alors que notre terre, notre société et notre système montrent leurs limites tant du point de vue des ressources naturelles que du partage des richesses ou de l'environnement, nous, Européens, allons parader en Afrique, gaspiller, souiller des espaces vierges, montrer notre puissance, notre esprit de domination. Le Paris-Dakar est devenu une ineptie, un contre-sens absolu. Mais rira bien qui rira le dernier...
PS : samedi 14 janvier 13h - la course est repartie comme si de rien n'était. Pas même une allusion à l'accident d'hier dans les dépêches du jour d'ASO... Conclusion : la vie d'un motard australien a plus de valeur pour ASO que la vie d'un enfant guinéen...
PS : dimanche 15 janvier. La conclusion d'hier a couté la vie à un deuxième enfant... Deux morts, c'est le quota pour annuler l'étape de dimanche. Le Dakar se termine dans le doute et l'amertume. Les pro-Dakar doutent, l'absurdité de cette épreuve affleure les esprits mais le directeur de l'épreuve l'a dit, le Dakar 2007 aura lieu. Nous voilà soulagés...