Quel joli nom que cette nouvelle commission présidée par un ancien gauchiste, Jacques Attali.
Au début j'avais lu "libéralisation" des freins de la croissance et ça ne m'avait même pas perturbé. On est dirigé par des libéraux, qu'on a choisis, rien de plus normal de libéraliser davantage pour faire grimper le PIB !
On l'a bien compris, nos ministres et leur super chef se fixent comme objectif la croissance. Vous l'avez bien compris je ne suis pas un partisan de cette croissance à tout prix qui pour moi n'est pas viable à long terme et qui n'est pas la condition suprême pour qu'une Société (notez le S majuscule pour la Société des Hommes) se porte bien.
Quand je parle des dangers de la croissance on me retourne souvent la métaphore du cycliste, évidemment. S'il n'avance plus il tombe. Bien couillon celui qui tombe à l'arrêt... Suffit de poser un pied à terre ! Si la croissance est la vitesse du cycliste alors nous accélérons, ou tentons de le faire, toujours et encore mais au bout de la route il y a un mur (les limites physiques de la planète). 2 solutions donc, soit on tombe à l'arrêt, soit on fonce dans le mur. On pourrait peut-être chercher des routes perpendiculaires...
Même si le mot de décroissance choque et agace, cette croissance perpétuelle qu'on nous vend est absurde. Il me semble indispensable d'évoluer vers d'autres buts, de réfléchir à des indicateurs alternatifs autres que le simple PIB. On pollue et on tue pour faire du PIB mais on en fait aussi en dépolluant et en soignant. Attali pense que la technologie nous sauvera et pour cela il faut de la croissance. Schématiquement, la technologie permet de construire une voiture qui émet 30% de CO2 en moins mais comme la consommation, moteur de la croissance, augmente il y a deux fois plus de voitures en circulation. Résultat, 40% de pollution en plus. Sans compter qu'il n'y aura pas assez de pétrole pour tout le monde, à moins qu'on choisisse de conduire plutôt que de manger.
L'environnement peut donc conditionner la croissance. Il doit être un élément central dans toute réflexion sur la croissance.
Or, l'examen du site web de la commission (liberationdelacroissance.fr) montre très peu de références aux limites naturelles à la croissance. Ce site fonctionne sous forme de 29 blogs permettant de créer un lieu d'échange. On remarquera à la marge 3 blogs :
- Croissance durable et ONG. La notion centrale de durabilité n'apparaît qu'ici. Quant aux ONG, je ne vois pas le rapport.
- Croissance de quoi ?. Cette question essentielle semble être rejetée en fin de liste alors que c'est la question de base. Il sera certainement question des indicateurs alternatifs.
- Les enjeux de l'environnement, frein ou moteur ?. La seule allusion à l'environnement, là encore question centrale.
Côté journaux, comme à leurs habitudes, ils prennent bien soin de dissocier croissance économique pure et dure d'un côté et interrogation sur la pertinence de cette croissance de l'autre. Là, nous sommes dans le premier cas, aucun recul et remise en question sur la viabilité de notre système. Demain, quand on annoncera que Kyoto n'est pas tenable alors ils s'émouvront de cette croissance bête et méchante dans un article de la rubrique écologie.
Le Point nous dit que "jamais, depuis 37 ans que le FMI publie ses études de conjoncture, l'économie mondiale ne s'est aussi bien portée : 4.9% en 2007" avant de préciser que "la planète est en plein boum (sic). Pour le FMI, les dangers sur la voie de l'expansion semblent reculer. L'inflation est revenue sous contrôle. Les prix du pétrole se stabilisent (...) Dommage que ces six belles années d'échappée belle n'aient pas profité à la France".
Il interviewe Philippe Aghion, membre de cette commission, qu'il qualifie de gauche. Celui-ci préconise "le renforcement de la concurrence, en particulier dans le commerce. Les lois Royer, Raffarin ou Galland avaient pour but de protéger le petit commerce, mais elles ont eu surtout pour effet de restreindre la concurrence entre les grandes surfaces. Un signe ne trompe pas : la part du hard discount en France est de seulement 13%, contre 40% en Allemagne et 35% en Belgique" et de poursuivre "ce sont les réformes structurelles et leurs effets sur l'innovation qui assureront l'augmentation durable de notre croissance". Cela fait rêver, tous au hard discount dans une société ultra-concurentielle et ultra-libéralisée . Il conviendrait alors de définir le mot durabilité....
Nicolas Baverez , toujours dans Le Point (je ne suis pourtant pas fan de cet hebdo), aspire à une "base productive compétitive dans le grand marché et l'économie ouverte" "ce qui conduit à proscrire toute forme de protectionnisme et de dirigisme".
Les notions environnementales, de durabilité et même de développement durable leur semblent totalement étrangères. Ils comptent sans doute sur la main invisible, chère aux libéraux, pour nous sauver.
La composition de la commission ne laisse pas la place à des spécialistes de l'environnement mais plutôt à des chefs d'entreprises, des psychologues. C'est plutôt la sous-représentation des économistes que souligne la presse. Attali cite alors Kenneth Boulding : "un économiste est un expert qui saura parfaitement vous expliquer demain pourquoi ce qu'il a prévu hier ne s'est pas passé aujourd'hui". Je lui renvoie une autre citation de cet économiste, inscrite dans l'en-tête de ce blog.
Les travaux de la commission devront être rendus en même temps que ceux du Grenelle de l'Environnement, fin octobre, mais soyons certains qu'il n'y a aucune passerelle entre les deux réflexions. Les écologistes travaillent dans leur coin, se donnent bonne conscience mais les "réalités économiques" ne doivent pas être polluées ! D'ailleurs la lettre de mission de M. Attali, signée de MM. Sarkozy et Fillon, ne fait aucune allusion à l'environnement ni au développement durable. Ils proposent le soutien et l'aide de différents Ministères (économie, justice, du travail, budget) en omettant le Ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durable. Ce fameux super ministère a pourtant un nom pas tout à fait hors sujet !
Illustration : croissance.. des inégalités depuis 1980. Indictateur alternatif, le BIP40.