Depuis quelques temps je me pose pas mal de questions sur la notion de compétition. Une personne et une discipline m'ont ouvert les yeux à ce sujet.
Albert Jacquard (que j'ai rencontré aujourd'hui, on en reparle), généticien, homme engagé m'a fait prendre conscience à travers ses nombreux ouvrages que notre société reposait toute entière sur la compétition, sur l'affrontement entre les hommes et sur la hiérarchie, et spécialement depuis l'école qui classe et classifie les élèves.
En parallèle
la compétition sportive et plus spécialement le cyclisme dont je suis passionné et que je pratique m'ont beaucoup fait réfléchir sur la question. Pourquoi cette compétition ? dans quel intérêt ? pourquoi un tel engouement populaire ?
Libéralisme et compétition J'ai alors fait un
parallèle entre compétition sportive et économique. Dans tous les cas, le meilleur gagne et prend le dessus sur les autres. On appelle ça la loi de la nature ou loi de la jungle. Or, l'Homme, de part son intelligence, sa conscience et sa capacité à se projeter dans le futur, a su aller au delà de l'instinct de survie. La majorité des hommes sur Terre souhaite l'égalité, la paix, la fraternité mais la réalité est tout autre. Un peu comme si l'individu était vertueux mais la masse ne l'était plus, ou disons était capable du pire.
Notre mode de fonctionenemnt économique est l
e libre échange, le libéralisme. Les entreprises sont mises en compétition et seules les plus fortes gagnent et survivent voire prospèrent. Etre l'entreprise la plus forte cela veut aussi dire être celle qui détruit le plus l'environnement, celle qui est la moins regardante sur les droits de l'homme et sur les conditions de ses employés. Il faut donc être bon et productif pour s'en sortir, quelque soit sont niveau.... sauf si l'on est riche possédant car le capitalisme a ça de formidable, il permet à certains de s'appropprier les richesses crées par d'autres.
Afin de tout mettre en concurence, on a créé l'argent qui permet de mettre un chiffre unidimmensionnel sur presque tout ce qui existe afin de lui donner une valeur.
La valeur est le rapport entre la quantité offerte et la quantité demandée. Si je suis doué, on me demandera beaucoup donc ma valeur augmentera et inversement si je ne suis pas formatable à merci.
La compétition apprise dès l'école Dans la vie quotidienne, cette compétition est de plus en plus présente, notamment à cause de ce système qui s'insère partout.
Dès l'école on est noté, classé, arbitrairement évalués afin de passer à l'échelon supérieur. Les plus faibles, disons ceux qui sont les moins rentables pour ce système, sont mis de côté et marginalisés. Il y a même des magazines qui classent les écoles, tout comme les hôpitaux, les villes...
Ensuite il faut chercher du travail, et être le meilleur candidat. Quand on est intégré dans une entreprise, il existe encore une compétition avec ses collègues, exacerbée par les promotions, primes au mérite et tout simplement la conservation de son emploi...
La compétition est également sociale. Montrer par ses possessions que l'on a réussi dans cette course. Posséder un 4X4, une maison en lotissement de banlieue avec piscine, des chemises de marque, sont les symboles absolus du vainqueur à la grande compétition à la réussite, à la domination.
L'individualisme est la manifestation la plus concrette de cette compétition. Chacun pour soi, chacun sa merde et que le meilleur gagne !
Mais l
e paroxysme de cette course est le sport. Le sport de compétition doit-on préciser. Il s'agit d'un affrontement, encadré à l'image de l'économie sociale de marché, entre des êtres humains. On vante l'esprit sportif, le respect de l'adversaire, le fair-play, n'empêche il y a toujours une compétition qui désigne un vainqueur et qui dit vainqueur dit perdant.
On nous explique que la compétition peut être saine, faire progresser, provoquer une émulation. La loi de la nature aurait donc du bon.
Dans les pays riches, si la majorité des bébés arrivent à l'âge adulte, certains sociologues américains parlent de
Darwinisme social. Ils en viennent à dire des monstruosités telles que la loi du marché, à l'image de la loi de la nature, sélectionne les êtres les plus performants dans la compétition économique. Ainsi il ne faudrait pas aider les plus pauvres car ils ne sont pas faits pour vivre dans notre système. En les favorisant on s'oppose à la loi "naturelle" de sélection de l'être viable économiquement
Solidarité plutôt qu'affrontement Seulement, cette compétition est génératrice de stress, elle met en concurrence des personnes, coupe les liens ou en créé des superficiels et non sincères. Or, comme le répète Jacquard, l'Homme se construit par ses rapports à l'autre par un enrichissement mutuel. D'ailleurs, nous indique l'humaniste, la loi de la nature n'est pas une compétition pure et dure car c'est une victoire de l'aléatoire. C'est un défaut apparu au hasard de la duplication de l'ADN qui est devenu un atout. Quant à l'émulation, c'est l'inverse de la compétition.
La compétition c'est gagner contre les autres en les dominant, l'émulation c'est vaincre sur soi même avec l'aide des autres.
Et si une coopération était plus saine, plus enrichissante et permettait à de gagner à tous plutôt qu'à certains. Echanger et fonctionner ensemble plutôt que s'affronter. Aller vers les autres plutôt qu'en avoir peur. Solidarité plutôt qu'individualisme. Egalité plutôt qu'inégalité. Sur le plan économique, l'économie solidaire se développe avec les coopératives, plus d'éthique dans les achats (car nous pilotons quelque part un peu ce système individuellement). Bien sur se passer complètement de la compétition et revendiquer l'égalité absolue est une
utopie que ceux qui ont essayé de mettre en place ont transformé en système répressif et dictatorial.
Cette compétition nous a fait dompter la nature, nous l'a fait dominer mais nous a fait oublier que nous restons tout de même des constituants de cette nature et l'avenir de la planète, en fonction de l'état dans lequel on l'a mise, pourrait bien nous le rappeler,
violemment.
Photo : compétion cycliste (Ronde de l'Isard) chez les jeunes (19-22 ans)