La semaine dernière, au cours de mes vacances parisiennes, j'ai souhaité assister à l'enregistrement d'une émission télé, simple curiosité. Je suis allé voir "C dans l'Air" qui est diffusée sur la 5 mais qui est enregistrée (en direct tous les jours.. sauf le vendredi) dans les locaux d'Europe 1. Le sujet du jour portait sur les biocarburants.
J'ai pu en apprendre plus sur les mesures du "flex fuel" annonçées par Thierry Breton en préambule du salon de l'Auto et à grand renfort de com. Mais le débat fût, selon moi, peu intéressant car n'abordant pas les limites de cette alternatives.
Le flex fuel ou E85, c'est une essence type super SP 95 dans laquelle il y 85% de bioéthanol issu de la culture de betterave en France ou encore de canne à sucre au Brésil (pays en avance sur ce sujet). Seulement, la France favorise le diesel, qui représente 70 % des ventes, sans parler du transport routier qui lui aussi est au fuel... Les raffineurs investissent donc actuellement dans la fabrication du gazoil pour alimenter cette demande grandissante. Il y a donc inadéquation avec la politique des motorisations.
Une des principales limites des biocarburants sera le choix entre rouler ou manger. En effet, la surface agricole est nettement insuffisante pour que les biocarburants remplacent le pétrole. De plus qu'en est-il de l'écobilan avec ces betteraves qui seront cultivées de manière intensive à grand renfort d'engrais chimiques issus... du pétrole et qui risquent de développer la monoculture, d'appauvrir les sols et de les polluer, tout comme les nappes et les rivières ? Comme le disait Jean-marc Jancovici, reprit par Libé "les bioarburants sont un intéressant problème de poliique agricole mais un élément négligeable d'une politique énergétique". Les aides de la PAC devant cesser aux environs de 2013, les subventions que l'on apportera sans doute à cette agriculture productiviste seront un moyen détourné de faire perdurer notre politique agricole perverse.
Si l'on prend le cas du Brésil qui s'est lancé dans la culture à grande échelle de la canne à sucre, les conséquences négatives sont importantes : déforestation (et relargage de CO2 dont la forêt amazonienne est un grand réservoir), immenses exploitations agricoles aux mains de quelques propriétaires ayant pour conséquence, outre les nuisances environnementales décrites plus haut, l'obligation pour des petits paysans d'abandonner leur activité pour devenir ouvriers agricoles à la merci de ces magnats.
Mais ce qui me gêne le plus dans l'annonce de "flex fuel", c'est qu'elle présente au public cette voie énergétique comme LA solution au problème de la disparition du pétrole et du réchauffement climatique. Je crois qu'on en est très loin, c'est un leurre et ce type de communication peut même avoir un effet très contre-productif. En effet, on dit aux gens qu'ils peuvent utiliser sans souci, la conscience tranquille, leur voiture avec une dose (7.5% objectif 2010) de bioéthanol. On ne remet absolument pas en cause la place de la voiture et du transport en général dans notre mode de fonctionnement et nos habitudes. L'énergie la moins polluante et qui n'est pas en voie de disparition, c'est pourtant bien celle que l'on n'utilise pas...
Pour l'anecdote, il est déjà difficilement compréhensible que ce soit une vedette du gaspillage du pétrole et de la pollution qui soit en charge de dossier, Alain Prost. Il ne me semble pas que celui-ci se soit repenti, en effet en 2006 il commente les GP de F1 et parraine le Trophée Andros. C'est un peu comme si on demandait à Floyd Landis ou Richard Virenque de s'occuper de la lutte antidopage ou bien à Charles Pasqua de coordonner un projet de loi contre les malversations financières !!!
Pour essayer d'être constructif, voici quelques propositions de mesures visant à réduire la consommation pétrolière dans le transport. Les biocarburants sont à considérer en parallèle voire dans un second temps. J'ai puisé mon inspiration sur le blog de Corinne Lepage, le site des Verts , le livre de Jean-Marc Jancovici "Le Plein s'il vous plaît" et "Graine de possibles" de Nicolas Hulot et Pierre Rabhi.
- Rétablissement d'une vignette auto dont les bénéfices seraient alloués à un budget transparent
- Surtaxe CO2 bien plus élevée qu'actuellement (allant par exemple de 1% à 30% du prix de la voiture) démarrant dès 120g CO2/km.
- Taxation des marchandises (intérieure et importation) au km parcouru et à la tonne et selon le mode de transport.
- Moratoire sur la construction de nouvelles routes, autoroutes, rocades
- Taxation des énergies fossiles en augmentation annuelle plus importante que l'inflation de manière à nous préparer au pic pétrolier à venir
- Prime ou crédit d'impôt pour les personnes abandonnant leur voiture personnelle au profit de l'autopartage, du vélo...
- Brider les moteurs à la vitesse maximum autorisée
- Réduire les vitesses maximales sur le réseau routier (110 - 100 - 80 - 40)
- Règlementer la publicité sur les voitures, motos... au même titre que celle pour le tabac ou l'alcool
- Créer une carte mobilité intégrant les émissions de CO2 et alimentant un livret d’épargne CO2 pour les plus économes.
- Prise en charge par l'employeur de 50% des frais de transport en commun pour se rendre au travail, l'autre moitié par le budget.
- Taxation des employeurs en fonction du ratio nombre d'employés / nombre de voitures particulières pour se rendre au travail.
- Budget ainsi abondé alloué au développement d'énergies alternatives, aux transports en commun et aux transports des marchandises moins polluants. Transparence absolue de ce budget.
Photos : le 4X4 à taille humaine dans l'esprit des biocarburants - campagne à Toulouse pour l'utilisation du vélo.